EDGAR SKOMOROWSKI
Magneto - Octobre 2019

1er Octobre 2019, 16:30
Place Sainte-Marthe, Paris

 

 

Yegan : Bon on va se mettre comme ça. OK, Edgar test 1, 2, 3, OK c’est bon. Bonjour Edgar, nous sommes avec Edgar aujourd’hui ! (rires)

Edgar : Bonjour Yegan. (rires)


 

Ca me fait toujours marrer. Bon on commence. Tu fais de la figurine depuis combien de temps ?  

En pro, depuis 2010, à temps plein, et avant ça je l’ai fait en tant que freelance à côté des études.

  

Et avant ça pour le plaisir tu avais déjà commencé ? 

Ouai, pour le plaisir depuis 2004 je pense. J’avais commencé les premières figurines que je te montrerai plus tard. Ma deuxième c’est celle peinte sur ma carte de visite.

 

Celle avec le mec en kilt ?

Ouai, après une grosse phase de Braveheart… (rires) 


 

Je vais peut-être la reprendre en photo alors. 

Ouai, et après ça a mis un petit peu de temps. Un jour j’ai rencontré des sculpteurs français dans un magasin de figurines à Paris, par hasard, et ces mecs avaient ramené des figurines, et j’étais hyper fasciné. Je leur demandais « vous faites comment, c’est quoi les outils », parce qu’il y avait pas d’écoles pour ça à l’époque, et sur internet il y avait pas de tutos. C’est juste après je crois qu’un sculpteur a fait le premier tuto, le truc c’était ma bible. Trois pages, tu sais, juste sur « quels outils utiliser » etc. Et à partir de là c’est devenu une obsession en fait. J’adorais sculpter des visages, ça c’était le gros kiffe.

A taille réelle ?

 

Non petit, j’ai uniquement fait de la sculpture petite. Je sais pas pourquoi. Le gros, moi ça ne me convenait pas, j’étais déjà très grand fan de figurine, et le petit il y avait une facilité et une accessibilité énorme car tu n’avais pas besoin de gros atelier. Tu pouvais créer quelque chose de figuratif puis le mettre sur ta table. Et du coup ça a commencé comme ça, et puis après je montrais ça sur internet, sur des forums de geeks, de passionnés de figurines. Et à travers ça, j’ai eu pas mal de retours, de critiques tout ça, c’était un peu une école qui après m’a permis de rencontrer des gens sur des salons, sur des concours, et aussi avoir du taf en free-lance. Petit à petit ça s’est fait comme ça. J’ai vraiment jamais pensé pouvoir en vivre, j’ai fait des études de restauration de patrimoine.

Et du coup je faisais un peu le pèlerinage d’aller sur des salons de figurine, de Games Workshop, de Warhammer aussi, et je commençais à connaitre un peu des sculpteurs de Games Workshop puisque je me pointais tous les ans, je leur montrai mes figurines du coup ils connaissaient le mec avec le nom chelou, on sait pas s’il est polonais, autrichien, français, il a des dreads, du coup je passais pas inaperçu. Et en 2010 je revois deux sculpteurs dont j’adorais le travail, et puis il y en a un des deux qui me dit « Why are you not working with us ? ». 

C’était juste après mon diplôme. Je leur ai donné ma carte de visite et deux jours plus tard le manager m’a envoyé un mail en m’écrivant « c’est ça le salaire, il faut que tu viennes à Nottingham, t’es toujours intéressé ? » et moi « ouuuai », donc je suis parti pour travailler à plein temps pour Games Workshop.

 

En 2004 t’avais quel âge ? 

2004 c’était le début des études, j’avais 19 ans et j’ai commencé chez GW à 25 ans, en 2010.

 

Et depuis combien de temps ça existe ce truc-là des figurines ? J’arrive pas du tout à me rendre compte si c’est un truc qui existe depuis 200 ans ou depuis 50 ans. Sachant que j’ai l’impression que l’essor des figurines c’est surtout depuis les 10 dernières années ? 

En fait ça vient des figurines de plomb, tu sais les soldats napoléoniens.

 

Oui c’est vrai. 

Ça c’est vieux, c’est au XIXe déjà, même les généraux, les militaires ils collectionnaient ça. Et dans les années 50’ ils ont développé des règles pour pouvoir jouer avec ces figurines.

 

1950 ?

Ouai je crois ouai, après je suis pas trop historien.

C’est pas faux.

Et avant ça il y avait des sculptures en ivoire de malade mental au XVIIe siècle, un truc vraiment incroyable. Mais je pense que les figurines comme ça c’est la continuité des soldats de plomb qui dans les années 70’-80’ ont viré vers la science-fiction avec Star Wars par exemple, comme c’est eux les premiers à avoir vraiment fait des produits dérivés, des jeux de rôle, des trucs comme ça.

Et comment t’appelles ça, est-ce que c’est une vocation, est-ce que c’est une passion, est-ce que c’est quelque chose que tu as trouvé par hasard, ou que tu cherchais ?

A la base c’était un besoin, un besoin de faire, d’avoir une activité, qui a eu ses raisons. On peut aller faire une autre interview psychanalyse après si tu veux, ce sera intéressant aussi. (rires) Et en fait avant mes études mon but c’était de faire une activité, un travail où je m’éclaterai. Je voulais pas passer 40 heures à râler et me réjouir du week-end. Autant l’école, le lycée je m’en foutais, c’était pas passionnant ça m’intéressait pas. J’ai fait le BAC et tout ça, bon, pourvu que ça se termine ce truc, mais après les études pour moi c’était hyper important. Enfin, là, c’est moi qui peut choisir où est-ce que je dois aller. J’avais ce sentiment d’autonomie qui est hyper important. Je m’étais tourné vers les restaurateurs de patrimoine, même si à la base je voulais faire une école de maquettiste, d’architecture, ou d’effets spéciaux, mais il y avait pas d’école à cette époque-là, ou pas connue. Il y avait pas trop internet, ils avaient pas de site. Une fois chez Games Workshop je me suis rendu compte qu’à Londres il y a la School of Technical Arts and Special Effects, ça aurait été l’école parfaite. (rires) 

Mais bon, après, au final, je pense que d’une manière assez inconsciente, j’ai un peu suivi ce que je kiffais, en étant rationnel par rapport à ce qui marcherait. Il y avait ce jonglage entre ces deux trucs. Pas par des lignes directes mais….

 

Par des chemins tortueux…

(rires) Je suis arrivé à ce que je voulais faire. Je veux dire, c’était peut-être de la chance, et en plus c’est accepté dans la société que quelqu’un me donne de l’argent pour ça. J’ai eu du bol je crois. Pendant longtemps je suis resté sur le côté « appliqué ». Pas comme les Beaux-Arts, mais vraiment Art Appliqué, un peu comme la mode, le design, l’illustration. C’était assez important que les choses aient une fonctionnalité. J’ai fait des trucs persos, des trucs que j’appelle plutôt « beaux-arts » , des trucs qui n’ont pas vraiment de fonction pour les gens autour, outre celle de communiquer ce que t’as à l’intérieur de toi. Et après ça reste là. Peut-être quelqu’un pense que c’est hyper précieux, ça après c’est autre chose. Cette volonté de faire des trucs persos, j’y vais à reculons en fait un peu. Parce que c’est des choses où je sors des trucs très persos. Il y a beaucoup d’émotions, parfois t’as pas trop envie d’aller chercher parce que c’est enterré au fond de toi.

  

Excuse-moi Edgar, tu penses on peut baisser un peu la zik ? Pardon j’ai peur qu’on t’entende pas. Merci. Tu y vas à reculons, mais je pense que c’est parce que aujourd’hui tu peux te permettre de penser à ça. Il faut attendre d’être prêt. C’est pas facile de montrer son travail, ça demande un peu de maturité, d’assurance. D’égo aussi parfois ? Non c’est pas ça ?

C’est pas forcément le montrer. Non pour moi « beaux-arts » c’est pas vraiment ça, c’est pas vraiment le montrer.

Qu’est-ce que tu veux dire par « beaux-arts » alors, explique moi ?

C’est les choses que tu fais pour toi, et qui va très loin de la définition qui est enseignée aux Beaux-Arts, dans les institutions ou bien à des étudiants qui vont vouloir vivre de ça. Qu’est-ce que tu dis à des étudiants qui ont fait cinq ans d’étude : « bah écoutez votre truc c’était bien sympa mais c’était juste pour vous » non c’est un peu compliqué.

Mais c’est aussi pour ça que j’ai jamais voulu faire les Beaux-Arts, je voulais pas rentrer dans ce système, où il y a une espèce de compétition sur des choses persos en fait. C’est pas ma définition. Chacun a sa propre définition par rapport à l’art, moi j’ai la définition où il y a plein de formes différentes d’art, ou de beaux-arts, l’art des enfants, des schizophrènes, jusqu’à toute forme d’expression. L’important c’est déjà de le faire.

Et tu sais j’ai jamais eu de grand plan vraiment. Je me suis jamais dit je vais faire ça, ça. Ce qui a toujours hyper bien marché c’est d’essayer d’écouter au fond de moi là où je me sens bien, calme aussi, pas forcément à aller chercher l’excitation ou le nouveau kiffe de je sais pas quoi, mais là où je me sens bien.

 
 

Est-ce que trouver cette pratique artistique, la sculpture miniature, ça a eu une incidence sur ta vie personnelle, est-ce que ça a tout boulversé, est-ce que ça a été un accomplissement ? 

Sur ma façon de vivre ouai. Ça a été l’ancrage, où le truc où je me sentais le plus à l’aise. Du coup plus confiant, et du coup ça m’a permis de sortir de quelque chose d’autre. J’ai grandi dans un petit bled dans les alpes autrichiennes. Peut-être si j’avais pas eu ça j’aurais fait des études de pharmacie et j’aurais récupéré la pharmacie de mon père, pour la troisième génération, j’aurais peut-être continué cette vie et tout ce qui va avec ça. Et je t’avoue que je suis bien content d’avoir trouvé un autre chemin, mon autonomie ! (rires)

 

Est-ce que te plonger dans ce travail, c’est quelque chose qui te fait du bien ou qui va te torturer parfois ? 

Moi j’ai une théorie. Je pense que si les artistes disons, s’ils ne faisaient pas leur pratique, ce serait le carnage. Ma pratique artistique par définition c’est pour-moi-même, c’est une forme de thérapie, elle me sert à aller mieux. Je pense que les artistes le font parce qu’ils vont mieux avec ça. C’est un peu comme le sport, profondément je crois que les gens le font parce qu’ils ont le kiffe plus tard, après une heure de course après t’as le high. C’est pas pour le plaisir de sentir tes muscles devenir plus gros mais plutôt pour sentir ton corps, éprouver ton mental. Je me dis que sans cette pratique, ces gens ils seraient vraiment perdus.

  

Attends bouge pas… (rires) Tu peux regarder la figurine si tu veux… Attends on va faire comme ça (clic). Pardon.

Je comprends le truc de devoir faire ça, sinon tu te sens pas bien, je l’ai eu dans le passé.


Avec la sculpture ? 

Yes, mais depuis avec beaucoup de travail, en me confrontant avec ce qu’il se passe à l’intérieur de moi – la semaine prochaine je pars 10 jours méditer – mais tout ça ça fait que je suis plus équilibré. Il y a pleins de parts à l’intérieur de moi qui ne sont plus en conflit.

Avant je sentais le petit Edgar hyper créatif, mais qui avaient énormément de peur et énormément d’angoisses, qui se faisaient engueulé par le Edgar adulte qui dit « mais pourquoi tu t’énerves là », et c’est tout un truc de personnalités multiples, je pense que la majorité des gens ont ça aussi… 

Bien sûr… Mais heureusement que tu bédaves pas ! (rires) Sinon tu pèterais un câble.

Bref. C’est quoi ta réponse sur les gens qui disent que c’est un truc de gamin, un univers d’enfant ? Je t’avoue que je comprends très très bien parce que c’est un fantasme que je vais garder toute ma vie les Warhammer. (rires) Mais il y a plein de gens qui ne connaissent pas qui vont avoir un certain regard, quand quelqu’un te dit ça qu’est-ce que tu lui réponds ?

J’avoue que oui au début, je me cachais sous le fait que j’étais sculpteur. Je leur mettais la figurine sous le nez que j’avais sculpté à cette échelle tout petit du coup ça les calmait parce qu’ils y voyaient un côté artistique, un côté créatif.

Tu sais de base dans tous les cas c’est absolument un truc de gamin. De base j’adore la sculpture les figurines, le côté créatif de la peinture. Les jeux, un peu moins, quoique, si aussi, mais pas autant. Tu sais le gamin, c’est une part de toi qui a besoin de l’autre pour se sentir bien. La part qui est pas autonome, qui est tout le temps à regarder, à se dire « mais qu’est-ce qu’il pense », c’est la part de nous qui vrille un peu. Et en fait je crois que c’est pour ça que j’ai énormément de liberté, et que je suis bon dans ça, c’est parce que j’en ai rien à foutre. Par exemple mes parents, mon père, la première chose qu’il m’a dit par rapport aux figurines c’est « mais c’est fascinant quand même, c’est une boîte qui fait quelque chose dont personne n’a besoin ».

Et moi, j’avais vraiment besoin que mes parents aiment ce que je faisais, mais pour ça j’en avais rien à foutre. Je leur disais « tu comprends pas », et ça m’a libéré énormément, surtout par rapport à ma famille.

Je me rappelle de la troisième ou quatrième figurine que j’avais faite, je l’avais faite à la ferme de ma famille, il y avait un apéro, il y avait plein de monde, et puis j’avais sorti cette figurine « hé regardez j’ai fait ça cette semaine », et tout le monde regardait ça, et ils comprenaient pas trop. Et une tante me dit «  ouai mais, c’est un peu obsessionnel, non ? ». Et puis moi, j’aurais pu me dire « mais c’est blessant », ou « putain personne kiffe ça, c’est de la merde ce que j’ai fait » et en fait j’en avais rien à foutre. Vraiment, je sentais que c’était un truc que je kiffais et puis bon les autres, ouai bon c’est pas grave, je suis pas dépendant de ça, c’est mon truc. Et cette autonomie, tu peux l’appliquer un peu sur tout. Si t’arrives à avoir une autonomie authentique par rapport à toi ce que tu as envie, ça te permet énormément de liberté.

C’était intéressant ce que tu disais du gamin qui a besoin de l’autre, tu voulais en venir où ? 

Je crois dans la théorie qu’on a encore les mêmes mécanismes que quand on était gamins. Ça s’efface pas parce que tu as 18 ans et que tu as le droit de voter. Ce sont des mécanismes qui sont ancrés en toi, dans des automatismes de réactions, qui sont dans les parts inconscientes de nous-mêmes, qui sont des autoroutes de nerfs qui ont été formatées à un certain moment. Et si on les ramène jamais dans le conscient, ils agissent quand même. Ce qui explique pour moi, quand quelqu’un se met en colère, c’est souvent qu’on a touché quelque chose au fond, et la personne qui est en colère ne voit pas ce fond, l’autre c’est le connard, et pour beaucoup de gens c’est compliqué de retourner voir cette part de gamin. Juste par rapport à comment un enfant voit le monde, un enfant voit le monde dans des absolus tu vois, en noir et blanc, il est bouleversé par toutes ses émotions. Il peut rigoler, d’un seul coup crier, hurler tout est en construction encore. Et je pense que c’est plus par rapport à ça en fait, même quand quelqu’un te dit « ouai mais c’est un jeu de gamin ça » c’est pas par rapport à toi mais rapport à lui-même. Parce qu’ils n’ont pas autant accepté leur gamin. Quand tu regardes les jeux vidéo, les jeux de portable, c’est des nanas qui le font en majorité, qui jouent, plus ou moins en se cachant dans le métro, qui n’assument pas, qui n’admettent pas le kif de pendant 2 heures jouer à un truc.

Il y a quand même cette norme, ce truc, où on imagine ce que l’autre va penser de nous. 

OK. Hum, intéressant. Dernière question, c’est quoi le truc qui t’a rendu le plus fier, qui t’a apporté le plus de bonheur ces dernières années ?

Hum… J’avoue peut-être d’être là, maintenant, là.

 

Là dans l’atelier ? 

Ouai par rapport à ma vie. d’avoir créé cette petite bulle ici, l’atelier. Il y a tout le temps un mouvement. Je reste pas enfermé dans un truc. Chez Games Workshop par exemple j’avais le sentiment d’être un peu un hamster, tous les jours c’était la même chose. Même si le travail était passionnant. Mais au final toute ta responsabilité-autonomie est prise vue qu’il y a une boîte qui te paye. Ce qui est hyper confortable mais en même temps tu ne te poses plus trop de questions. Du coup quand quelque chose ne va pas tu te comportes aussi un peu comme un enfant, tu régresses, moi j’ai régressé. Et ça c’est horrible pour moi.

 De voir avoir pu sortir de ça, et continuer d’évoluer et voir ce qu’il y a au-delà, ça c’est quelque chose qui me fait plaisir. La curiosité d’un enfant de vouloir découvrir plein de choses, s’enfuir en fait. Parce que ça par exemple, partir en Angleterre, on pourrait dire « c’est génial, tu t’es ouvert etc. » mais en fait pour moi c’était une fuite, de ne pas vouloir me confronter à ce qu’il se passait à l’intérieur de moi. Parce que j’avais pas encore je pense la capacité de me rendre compte. C’est comme si mon conscient fermait des portes et que plus tard, par une succession d’événements, les choses se sont ouvertes en moi. Et ça ouai, je pense que c’est ça que je kiffe, pas être capable de créer une figurine où je ne sais pas quoi. Parce que cette base-là à l’intérieur de moi elle permet justement une création plaisante et douce, qui me fait kiffer.

 

OK, intéressant. Et j’y pense, on a pas parlé du tout de ton enfance, t’avais une passion quand t’étais petit ? 

… Peindre des figurines.

 

… Ah c’est vrai ? (rires) Ah bah OK donc c’était déjà un truc que tu avais commencé quand t’étais enfant !

 Ah oui oui oui, ah oui oui oui (rires)

(rires) Ah j’avais pas compris du tout ! D’accord, en fait c’était ce que je voulais dire tout à l’heure quand je t’ai demandé « c’était quand les débuts blablabla. »…

 Le début c’était à 12 ans, 13 ans, un cousin à moi qui avait trouvé un White Dwarf, un magazine…

 

Ouai je vois très bien (rires) 

Il avait acheté ça à l’aéroport, il était venu en Autriche. Et il m’a montré ça et putain j’étais scotché. J’ai vu ça je me suis dit « wahou, c’est exactement ce que je veux. ». J’ai dû regarder et feuilleter ce journal au moins 20 heures sans pause, et voilà c’était les débuts.

 

Tes parents t’achetaient la peinture, ils te poussaient un peu ? 

Mouai, je me souviens que ma mère avait jeté ce premier magazine. Il y avait un gros guerrier du chaos avec plein de pics plein de crânes, en mode couverture de Heavy Metal sur la première page. Le truc assez trash et tout, et ma mère l’a mis à la poubelle. Je suis allé la voir et je lui ai dit « qu’est-ce que tu fais, là ? ». J’avais 12-13 ans, je suis allé à la poubelle, je l’ai ressorti et je lui dis « non, tu mets pas ça à la poubelle », (rires) hors de question, même pas de discussion là-dessus. Pour moi c’était un acte d’autonomie énorme, parce que j’étais, généralement pas en mode vénère ou à m’imposer. Pas du tout, j’étais quand même assez… Je boudais énormément, mais je m’imposais pas, j’étais…

 
 

T’étais chill. (rires) 

Chill ! Ouai, « Gagar », on m’appelle toujours Gagar dans la famille, celui qui est toujours gentil…

 

Qui s’énerve pas trop… 

Il boude quoi mais bon c’est pas grave, c’est pas en mode vénère. Mais bon, après avec mon père on avait cherché où trouver des figurines, ça c’était un peu caviar parce que j’étais au fin fond des Alpes.

 

Et il y avait pas Amazon… 

Il y avait rien du tout. Donc on avait trouvé un petit magasin à une heure de route, et mon père m’a emmené, et il m’a acheté mes premières figurines et la peinture…

 
 

Ouf. 

Et à partir de là moi j’étais scotché à ça. Et en même temps c’était un kiffe, mais c’est aussi un enfermement. Parce que c’est comme si tu créais ta bulle, pour pas sentir ou vivre d’autres choses. C’est hyper cool, mais je pense que c’est un peu dommage aussi. C’est comme une fuite…

 
 

Je te remercie beaucoup Edgar. C’est la fin de notre entretien ! (rires) 

Trop bien.

 

Sois pas si content steup’. Je regarde si ça a bien marché et on décale.

(magneto off)

1er Octobre 2019, 17:20
Place Sainte-Marthe, Paris